Au début du XXe siècle, à Londres, deux jeunes illusionnistes se retrouvent adversaires et concurrents à la suite du décès tragique de la femme de l’un d’entre eux. Dans ce monde fondé sur le spectacle et le secret, poussés par une obsession de plus en plus vive, ils vont chacun leur tour tenter de dérober les trouvailles de l’autre, jusqu’à ce que l’un d’entre eux y perde la vie et que l’autre risque la pendaison.
Avec ce film, Nolan signe son manifeste pour le cinéma : le parallèle est en effet évident, notamment lorsqu’on entend les dernières paroles d’Angier (excellent Hugh Jackman) qui estime que tout spectacle est fondé sur une duperie acceptée par les spectateurs. Une thèse défendue par certains théoriciens du 7e Art. A travers un récit déconstruit mêlant présent et passé avec virtuosité, se servant des carnets de l’un et de la transcription de l’autre, on suit avec un certain bonheur et une fascination totale la grandeur et les décadences de ces deux artistes opposés en tout, mais tout aussi acharnés à prendre leur rival de vitesse, ou à le surpasser. Quitte à passer à côté d’une vie qui leur tend les bras, à l’image des femmes qui ponctuent leur existence comme autant de repères dérisoires, autant de balises invitant à garder les pieds sur terre. Même si on peut déplorer qu’au 4/5e du récit toutes les ficelles de ce brillant scénario aient été dénouées, on ne peut que se délecter d’un récit stylisé à la mécanique parfaite, invitant à chaque seconde à l’attention (« Est-ce que vous regardez attentivement ? » clame régulièrement l’un des interprètes) et à la concentration, fournissant fausses pistes et sujets de réflexions à foison, recoupements et rebondissements malins tout en nous tenant en haleine jusqu’à la fin de ce drame victorien flirtant intelligemment avec le surnaturel et la perception de la réalité (le roman d’origine, après tout, est signé de Christopher Priest, le talentueux auteur du Monde inverti). Les amateurs de twist rechigneront peut-être, ne trouvant pas leur compte dans l’acte final alors que tout ce qui précédait l’annonçait, mais l’important n’est pas là : il vaut mieux regarder la puissance de l’interprétation, dominée par un Christian Bale impressionnant, offrant une multitude de visages et une palette d’expressions fascinante, face à un Jackman carré et imposant, révélant quelques failles qui enrichissent son jeu. A leurs côtés, Michael Caine est toujours impérial, pas très loin du rôle d’Alfred dans Batman.
Peut-être pas très touchant, le film s’intéresse davantage aux artifices et aux dessous des tours qu’aux acteurs du spectacle, livrant une réflexion nécessaire sur les dualités magie/technologie, improvisation/rigueur, irrationnel/logique qui sont à la base de toute expression artistique. Pour peu qu’on soit dupe dès l’entame – ou qu’on ait simplement envie de l’être, le spectacle est total.