- fabien lyraud a écrit:
- j'ai pas du tout aimé le passage dans un livre du cycle des Robots
(les robots et l'empire je crois) où l'on rencontre Elijah Bayley qui supervise la
terraformation d'un planète. On détruit l'écosystème local et on le supplante par
des espèces terriennes. Bref Asimov n'était pas un grand écolo.
Tu confonds la position de l'auteur et celle de ses personnages.
D'autre part, je ne sais pas bien ce que tu entends pas "écolo," mais j'ai
la nette impression que c'est ici plus ou moins synonyme de "politiquement
correct," en tout cas assez loin de l'écologie en tant que discipline scientifique
(pour ne pas dire empreint d'un préjugé antirationaliste et technophobe).
Or il se trouve qu'Asimov était un universitaire, spécialisé en biochimie
(en plein dedans, donc), un militant rationaliste et un vulgarisateur polygraphe.
Il raconte parfois des âneries, mais pas tant que ça au vu des centaines
de millions de signes qu'il a publiés, et il me semble qu'on lui doit au moins
de les discuter un peu sérieusement pour le réfuter. Sinon, et même s'il a
souvent dénoncé l'argument d'autorité, si on devait en rester là, sur la question,
Asimov contre Lyraud...
Même en en restant strictement à la critique interne du cycle de
Fondation, la question est relativement claire, quoique avec un minimum de subtilité
Pour Asimov, l'écologie d'une planète est un processus dynamique, en
permanente évolution, croissante ou décroissante. L'équilibre de l'écosystème
est toujours instable, et peut se perdre en quelques siècles si on l'abandonne
à lui-même comme dans la "planète des chiens" (au passage, pour moi,
c'est même l'essentiel du message de la seconde série du cycle, de pure
écologie politique : gaffe à la planète !). La seule façon de la stabiliser
est l'intervention d'une intelligence externe, humaine ou non.
Tout le cycle est fondé sur l'hypothèse d'une extension d'une
espèce particulière à l'échelle de la Galaxie, rendue inévitable par
la découverte du voyage hyperspatial. La question est explicitement
posée, et même assez lourdement à mon avis : quelle est la "bonne"
échelle de gestion de l'écosystème ? Locale (Aurora) ? Globale (Gaïa) ?
Galactique (Galaxia) ? La réponse du cycle est précisément fondée
sur le caractère dynamique de l'écosystème : si l'homme ne colonise
pas lui-même la galaxie de façon raisonnablement homogène,
une autre espèce viendra inévitablement tôt ou tard, éventuellement
d'une autre galaxie, et la conquerra à sa place. Les écosystèmes locaux
seront inévitablement détruits, comme tu dis, soit demain, partiellement,
pour les adapter à la présence humaine, soit après-demain, pour une
autre espèce. A long terme, c'est le seul choix .
On peut ne pas y croire mais, si on en accepte les prémisses,
l'ensemble est très cohérent. Pour moi, c'est même l'une des œuvres
majeures qui forcent les lecteurs à réfléchir un peu à l'échelle de la planète.
Bref : Asimov était un grand écolo, mais pas à courte vue.